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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 11:55

Quest ce que le Flaminat ? Un système de pêtrise romain .....J'ai trouvé grâce à un site internet une définition du Flaminat et je remercie encore C.Jullian d'avoir dénicher cette définition dans un dictionnaire du XIX ème siècle : le

- Daremberg et Saglio (1877)

 

Il est important de savoir que cette définition date de plus de 100 ans et qu'il y a eu une évolution d'opinions sur le sujet mais voyons comment les historiens du XIX siècle vayaient le Falminat , ce qui donner tout de même une première approche du sujet.

 

 

 

I. CARACTERES GENERAUX DU FLAMINAT

  1. Définition et étymologie

    Les Romains de l'époque classique appelaient du nom de flamine (flamen) un prêtre attaché spécialement au service d'une divinité. «Que chaque flamine ne soit attribué qu'à un dieu», dit Cicéron. Le flamine portait le nom de son dieu, et avait pour office de lui sacrifier. Ainsi, celui qu'on nommait le flamen Dialis était, dit Tite-Live, «le prêtre permanent de Jupiter», flaminem Jovi assiduum sacerdotem. Les Latins remplaçaient parfois le mot de flamine par celui de sacerdos dei, en indiquant le dieu auquel le prêtre appartenait ; de même les Grecs disaient iereus tou Dios pour flamen Dialis. Telle est la définition que les écrivains semblent préférer, et elle est à peu près exacte pour le flaminat des temps historiques : nous verrons qu'elle ne convient peut-être pas au caractère primitif de ce sacerdoce.

    La dignité de flamine se nommait flamonium, et, plus rarement, flaminatus : ce sont les deux seules formes que nous trouvions dans les incriptions. Les textes donnent souvent aussi flaminium, mais c'est sans doute par négligence des copistes.

    Les recherches étymologiques ne nous apprennent rien sur le vrai caractère de ce sacerdoce. Les anciens s'accordaient à dériver le mot flamen de celui de filum, «fil» : un fil de laine ornait en effet la coiffure des grands flammes romains. Mais la philologie ne paraît pas justifier cette dérivation. Les modernes rattacheraient plus volontiers flamen au verbe flare, «souffler» : le flamine serait le prêtre chargé de souffler sur le feu de l'autel pour l'allumer. Cette étymologie a au moins l'avantage de correspondre à tout ce que nous savons du caractère primitif du flaminat. Mais ce caractère ne ressortira bien que si nous examinons en détail toutes les obligations que comportait l'exercice de ce sacerdoce. Prenons pour exemple le plus important des flamines romains, celui qui conserva le plus fidèlement ses attributs traditionnels, le flamine de Jupiter, flamen Dialis.

  2. Le flamine appartient au dieu

    Dire simplement que le flamine est le prêtre ou le ministre d'un dieu, sacerdos dei, serait inexact. Sans doute, sacrifier à ce dieu est sa principale, nous verrons même son unique fonction : mais cela constitue seulement la partie active de son rôle religieux. Si le dieu ne lui demande rien de plus comme besogne effective, il lui impose un nombre infini d'obligations. Les sacrifices ne rendent pas le flamine quitte envers son dieu : il est soumis à son endroit à des prescriptions et à des rites de toutes sorte, caerimoniae et castus multiplices. Or, ces prescriptions sont à peu près uniquement des défenses. Si l'on énumérait toutes les règles auxquelles était soumis le flamine de Jupiter, on n'en trouverait qu'une seule de vraiment positive : le sacrifice à faire ; toutes les autres sont des interdictions. Il en est du flamine comme des hommes au jour de fête : la religion leur défend, aux jours fériés, infiniment plus qu'elle ne leur impose ; de même au flamine, durant toute sa vie, les dieux recommandent moins ce qu'il doit faire que ce qu'il doit éviter. Or, le jour de fête appartient en propre à la divinité : on devine qu'il en sera ainsi de la vie du flamine. Les anciens faisaient d'ailleurs cette assimilation avec la dernière netteté. Chaque jour est pour le flamine de Jupiter un jour férié : Dialis quotidie feriatus est. Sa vie est consacrée à Jupiter, comme celle du peuple romain était consacrée à ce dieu au temps des Ides. Comme le peuple pendant les fêtes, le flamine ne devait, durant sa vie, faire aucun travail humain. Les textes ne parlent pas de la culture des champs : cela allait de soi. Mais la guerre était interdite au flamine : il ne pouvait même pas monter à cheval. Les luttes politiques lui étaient inaccessibles : il devait se tenir éloigné de toute magistrature. Nous ne parlons, bien entendu, que des temps primitifs, les seuls où nous pourrons juger le caractère fondamental du flaminat.

    La qualité de prêtre d'un dieu se révèle par les insignes. Les autres prêtres n'apparaissent avec les leurs que dans les cérémonies publiques. Le flamine ne quitte jamais les siens : il est censé en service permanent auprès de la divinité, assiduus, dit Tite-Live. Toute la journée, il paraîtra avec son bonnet sacerdotal : pilophorei aei, dit Appien. Les hommes ne doivent le voir que dans le costume de son ministère.

    Comme le dieu auquel il appartient habite Rome et qu'on ne peut lui sacrifier qu'à Rome, sur les autels à lui consacrés, le flamine ne pourra pas s'absenter de la ville : il n'a pas le droit de passer une nuit hors de sa demeure, flamini Diali unam noctem manere extra Urbem nefas. Un léger cordon de boue ou de poussière entoure les pieds de son lit, comme pour lui rappeler l'obligation de n'en point sortir aux heures du repos.

    De même que tout ce qui était la propriété d'un dieu, le flamine devait sans aucun doute être regardé comme un être pur : l'idée de pureté paraît inséparable de son ministère et de sa personne. Les anciens ne le disent pas d'une façon précise : mais ils donnent certains détails qui permettent de l'affirmer. On sait que le bronze était le métal consacré dans les sacrifices : la victime ne pouvait être touchée que par un couteau de bronze ; de même, la barbe du flamine ne pouvait être rasée que par un rasoir en bronze. Or, la victime, avant tout, doit être «pure». Il était défendu au flamen Dialis de toucher, d'approcher et même de nommer aucun des objets ou des animaux auxquels les Romains de l'époque primitive attachaient quelque impureté : ni un mort ni un bûcher ; ni de la viande crue ; ni de la farine fermentée ; ni des fèves, car les fèves appartiennent aux morts ; ni un chien, ni une chèvre, car ces deux animaux sont les victimes préférées des dieux souterrains ; ni un cheval, parce que son fiel est empoisonné. Enfin, il lui est interdit d'entendre le son des flûtes funéraires. Au fond, toutes ces interdictions se ramènent à une seule : le flamine doit éviter tout contact, toute relation, par le toucher, la vue ou la parole, avec la mort ou la corruption, avec les objets et les êtres qui sont attribués au culte des morts et de leurs dieux. Le contact de la mort souille à un tel point le caractère sacré du flamine que Mérula, avant de se suicider, déposa les insignes de son sacerdoce : parce que, disait-il, un flamine ne devait point mourir dans son costume de prêtre. C'est sans aucun doute pour demeurer fidèle à cet idéal de pureté que le flamen Dialis ne pouvait être que patricien, marié, et marié suivant le rite sacré de la confarreatio. Célibataire ou plébéien, le flamine n'eût pas eu de foyer, de famille ; il eût manqué de cette dignité de paterfamilias qui faisait de lui un prêtre et un maître ; il n'eût pas eu qualité pour se présenter devant les autels et faire un sacrifice au nom du peuple romain. Et toute autre forme de mariage que la confarreatio n'eût pas donné à son union et à son foyer le caractère sacré qu'ils devaient avoir. Mais il y a plus. Le veuvage, rompant cette union, enlevait ainsi au flamine son caractère religieux, à sa vie sa pureté ; il ne pouvait se représenter devant son dieu, et la mort de sa femme l'obligeait à quitter son ministère : uxorem si amisit, flamonio decedit. A plus forte raison, le divorce lui était-il interdit ; la mort seule, disait la loi des pontifes, pouvait briser le mariage du flamine, matrimonium flaminis nisi morte dirimi jus non est. Le flamine est «l'homme d'une seule femme», flamen unius uxoris. Gardons-nous cependant d'attribuer à cette prescription la haute pureté morale qui s'attache à la vie de famille et à la fidélité conjugale : il s'agissait là, pour les anciens, d'une pureté surtout extérieure, résidant dans l'état religieux et la condition sociale des individus. La législation romaine, en ce qui concerne le flamine, ressemble à s'y méprendre à la législation hébraïque relative au souverain sacrificateur de Iahveh, lequel a d'ailleurs avec le prêtre de Jupiter des ressemblances nombreuses : l'un et l'autre dieu ne craignent qu'une chose pour leur prêtre, c'est qu'«il se souille, lui et sa famille, au milieu du peuple».

    Le flamine de Jupiter était donc quelque chose de plus qu'un sacrificateur et qu'un prêtre du dieu. Il est en quelque sorte son homme et sa chose. Il lui appartient, non pas tout à fait comme un esclave à son maître, mais presque comme un temple, comme une statue à sa divinité.

  3. Le flamine est indépendant de tout lien humain

    Aussi, le flamine semble avoir rompu tout lien avec la nature et les autres hommes. Il est à part dans le monde, et pour ainsi dire le prisonnier du dieu. Il n'appartient plus à la société humaine : c'est ce que la religion primitive marquait par une série de symboles.

    D'abord le flamine ne peut être en contact avec aucun lien matériel, avec rien qui ressemble à un anneau, une chaîne, une attache continue. Portait-il un anneau, cet anneau devait être brisé par un endroit. Ses vêtements ne pouvaient être retenus que par des agrafes ou des fibules, c'est-à-dire des attaches présentant une solution de continuité. Que le flamine, disaient les rituels, n'ait aucun noeud ni dans sa coiffure, ni dans son vêtement, nodum in se habet nullum. Tous ces détails nous paraîtraient incompréhensibles, si nous ne songions que la religion primitive des Romains attachait à toute chose un sens symbolique ; que rien ne lui était indifférent ; que tout objet et tout être étaient par elle classés, évalués, étiquetés, avaient un rôle rituel et un sens mystique. Le symbolisme allait du reste, en ce qui concernait le flamine de Jupiter, aussi loin que possible. Il ne devait toucher ni même nommer le lierre : car le lierre est la plante qui s'accroche. Il ne pénétrera pas sous une treille aux rameaux étendus : sans doute parce que les rejetons de la vigne enlacent et retiennent. La nature ne doit pas lier le flamine.

    Ces prescriptions avaient une conséquence qui, à nos yeux pourrait paraître provoquée par un sentiment de charité humaine. Tout homme enchaîné qui pénètre dans la maison du flamine est immédiatement délié. Mais les anciens ne rapportaient pas cette pratique à l'influence sacrée et bienfaisante du contact sacerdotal. Plutarque le croit sans doute, et le dit : mais Plutarque est humain, tout pénétré d'idées morales, et n'approfondit pas volontiers le sens des cérémonies primitives. Si le captif est délivré, ce n'est point parce que ses liens tombent au toucher du flamine : mais c'est parce que leur contact aurait souillé le flamine. La suite de la prescription rituelle le marque bien : les liens devaient être immédiatement transportés hors de la demeure du prêtre, et de manière qu'ils n'en touchassent pas les parois ; on les enlevait par l'impluvium, d'où, par le toit, on les rejetait dans la rue.

    Une autre conséquence de cette prescription était sans doute que nul esclave ne pouvait porter la main sur le flamine. Du moins Aulu-Gelle nous apprend qu'il ne pouvait faire couper ses cheveux que par un homme libre : or, c'est là peut-être la seule besogne ordinaire qui fasse nécessairement subir à un homme le contact d'un autre homme.

    De même qu'il ne pouvait être touché par aucun lien matériel, le flamine de Jupiter ne pouvait être soumis à aucun lien moral : les obligations habituelles de la société ne le concernaient point. Il vivait en dehors de la vie publique : il ne pouvait prendre part à la guerre, il ne pouvait devenir magistrat, il était dispensé du devoir le plus sérieux et privé du droit le plus précieux du citoyen romain. On pourrait croire que c'était parce qu'il devait à la divinité tout son temps et tous ses soins. Mais un autre principe plus étroit et plus précis avait dicté cette règle. Servir à l'armée, être magistrat, n'allaient pas sans la prestation d'un serment : un serment liait à l'Etat le soldat comme le magistrat.

    Or, le flamine ne peut être enchaîné par ce lien moral qui est le serment, jurare Dialem nefas. Un fait prouve bien que tel était le sens que la religion attribuait à cette défense d'être magistrat. L'an 200 avant notre ère, il fut permis pour la première fois à un flamine de Jupiter d'exercer l'édilité curule : le peuple autorisa qu'il fût dispensé du serment, et que le frère du nouveau magistrat le prêtât à sa place.

  4. Le flamine, incarnation de la divinité

    C'est encore peu de dire que le flamine, délié de tout lien envers les hommes, n'appartient qu'au dieu. On peut ajouter qu'il incarne le dieu auquel il sacrifie. S'il n'est pas dieu, il ressemble un peu à la statue qui figure la divinité : il participe à son caractère divin.

    Près du lit du flamen Dialis devait toujours se trouver le gâteau du sacrifice, disposé dans une petite boîte. Etait-ce pour que le flamine eût, à tout moment de la nuit, le moyen de faire une offrande à son dieu ? ou était-ce une offrande permanente qui était faite directement au prêtre ? Les anciens ne distinguaient peut-être pas très bien eux-mêmes ce qui était attribué au flamine et ce qui allait à son dieu. - S'il ne touchait rien d'impur, c'était sans doute aussi bien pour ne pas corrompre son essence sacrée, que pour ne point blesser le dieu auquel il appartenait. Il est défendu de placer devant le flamine une table non servie : il en va de même du dieu, qui doit toujours avoir, dans le temple, son offrande prête et un repas préparé.

    Les dieux, à certains moments de l'année, ne peuvent voir ni guerre ni armée : la vue d'une troupe armée est également chose interdite au flamine.

    Les dieux condamnaient le travail au jour de fête : travailler, c'était souiller ce jour, porter atteinte à sa sainteté. De même, les jours fériés, le flamine ne devait voir s'accomplir aucune besogne humaine. Sortait-il ces jours-là, il était précédé d'un héraut accompagné des crieurs sacrés : ils avertissaient le peuple que le flamine allait passer et qu'il fallait s'abstenir de travail.

    Nul autre homme ne peut coucher dans le lit du flamine. Il lui est défendu, en plein air, de quitter sa tunique de dessous. C'est, dit Aulu-Gelle, pour ne point paraître nu devant son dieu, Jupiter, dieu du ciel et de la lumière !. Peut-être est-ce plutôt pour ne point paraître aux hommes comme trop semblable à eux-mêmes : on sait, d'ailleurs, que les anciens avaient la coutume d'orner de vêtements les statues de leurs dieux. Si un homme condamné au fouet s'agenouille aux pieds du flamine, c'est péché que de le frapper ce jour-là. Comme les images des dieux, il doit être accessible aux prisonniers et aux suppliants.

    La maison du flamine, la flaminia, ressemble singulièrement à la maison sainte de Vesta. Elle appartient à la religion : le feu du foyer y est sacré, et il est interdit de le transporter, si ce n'est pour une cérémonie religieuse.

    Enfin, le corps même du flamine a en lui quelque chose de divin : ses cheveux et ses ongles, quand ils sont coupés, sont soigneusement enterrés au pied d'un arbre cher aux dieux d'en haut, arbor felix.

    Il en était du flamine, dans cette religion primitive où il prit naissance, comme de tout ce qui touchait de très près aux dieux. On lui conféra volontiers les attributs et la puissance de ceux qu'il représentait. On fit le prêtre à l'image de la divinité.

  5. De la nature primitive du flaminat

    On voit quelles profondes différences séparaient les flamines des autres prêtres publics du peuple romain. D'abord, ils officiaient séparément, maîtres uniques des sacrifices, comme l'était le père de famille sacrifiant à ses dieux de sa race. Les autres prêtres publics au contraire, par exemple les pontifes, sont groupés en collèges. L'institution du flamine semble donc remonter à un temps où on ne concevait pas encore le ministère divin sous la forme de collège, où on ne se l'imaginait pas autrement que sous la forme sainte de la paternité familiale. Le flamine est marié : sa femme est prêtresse comme il est prêtre, elle se nomme flaminica. Ont-ils des enfants, ils sont les assistants naturels de leurs parents dans les cérémonies sacrées : quand le flamine officie, il a sans doute près de lui sa femme et ses enfants, comme le paterfamilias a les siens au moment des sacrifices. Si le flamine n'a point d'enfants, des jeunes gens de famille patricienne lui en tiennent lieu et l'assistent devant les autels : mais ces desservants, que l'on nomme camilli et camillae, doivent présenter les mêmes conditions que les enfants des flamines ; ils doivent avoir leurs père et mère encore vivants, et leurs parents doivent être mariés suivant le rite sacré de la confarreatio. Le flamine ne se montre donc devant son dieu qu'entouré d'une famille : le service de la divinité était inséparable, dans le flaminat, du type primitif et consacré de la société humaine, de la famille unie par le mariage religieux.

    Toutefois, le flamine ne s'occupe que d'une seule chose, le sacrifice : c'est, par définition, un sacrificateur, flamen ad sacrificandum constitutus. Les autres prêtres, au contraire, sont aussi des administrateurs des choses religieuses. Le flamine personnifie le dieu. Les pontifes règlent aussi les rapports des dieux avec les hommes, ils sont des jurisconsultes, du droit divin et du droit humain. Le flamine ne sort pas de son ministère, ne voit que ses dieux. Cela est si vrai que, même dans les associations religieuses, il y avait, à côté du prêtre qui administrait le culte, le prêtre qui officiait, le flamine. Les curies de Rome avaient pour chef religieux leur curio : à côté de lui, le flamen curialis sacrifiait au dieu de la curie. Dans les curies des villes de l'Afrique, nous trouvons, au-dessus du magister, qui est le chef, le flamen, qui est le prêtre. Le collège des Frères Arvales de Rome était sous la direction d'un magister ; mais près de lui officiait le flamine. A la tête des collèges populaires des montani romains, une inscription associe les «maîtres» et les «flamines».

    Tout cela achève de nous faire comprendre les minutieuses prescriptions qui s'attachaient à la personne du flamine. Encore est-il possible que nous n'en connaissions qu'un petit nombre, conservées jusqu'à nous par la curiosité d'Aulu-Gelle, de Plutarque ou des grammairiens. Mais elles suffisent pour nous faire apprécier ce qu'a pu être le flaminat à sa plus lointaine origine. Le flaminat est le service d'un dieu : le flamine est dans la même dépendance de son dieu que la Vestale de son foyer. Au reste, les deux institutions sont entièrement semblables l'une à l'autre. Mais le flaminat empruntait son caractère à la religion sombre et formaliste des plus anciens temps de l'Italie. Sa vie était comme enveloppée de symbolisme. Dans le rituel qui réglait sa conduite, tout prenait une valeur de technique religieuse : ses actes et ses paroles, son vêtement et sa demeure, ce qu'il touchait, ce qu'il voyait, ce qu'il entendait, ce qui allait à lui et ce qui venait de lui. Aussi doit-on assigner à la condition du flamine ces dehors de tristesse, d'ennui ou d'effroi qui sont ceux de la plus vieille religion romaine. Le flaminat est bien l'héritage, comme Tacite le reconnaît, «d'une antiquité pleine de sombres mystères», ex horrida illa antiquitate. Esclave du dieu dont il est le prêtre, rien d'humain ne lui semble permis. Le service divin l'enchaîne plus qu'il ne l'honore, le contraint plus qu'il ne l'oblige. C'est une victime vivante sans cesse parée pour le dieu auquel elle appartient. Il ressemble à tous les prêtres des religions primitives : fétiche autant que féticheur, le lien qui unit le flamine à son dieu le condamne à une hiératique immobilité. C'était comme une statue sacrée, mais vivante, ôsper empsuchon kai ieron agalma, dit Plutarque.

II. LES FLAMINES DU PEUPLE ROMAIN

  1. Les flamines majeurs : origine, rang et organisation

    C'est à Rome que l'institution du flaminat s'est développée le plus complètement, et qu'il est le plus facile d'en suivre l'histoire et d'en détailler l'organisation.

    Il y avait à Rome quinze flamines, tous regardés au même titre comme «prêtres publics du peuple romain» : une loi nous les montre «traversant la Ville sur des chars, pour cause des sacrifices publics du peuple romain». Chacun d'eux portait le nom de sa divinité. Chacun avait son rang hiérarchique. Le premier en dignité, à l'époque historique, était le flamine de Jupiter ; le quinzième rang appartenait au flamine de Pomone. Les flamines étaient évidemment classés suivant l'importance que le droit pontifical assignait à la divinité qu'ils desservaient : «Le rang des dieux, disait-on, fixe le rang des prêtres».

    Parmi ces quinze flamines, on distinguait très nettement deux groupes : les trois «flamines majeurs», flamines majores, qui desservaient les autels de trois grandes divinités de l'Etat romain, Jupiter, Mars et Quirinus, et les douze «flamines mineurs», flamines minores, prêtres de divinités moins importantes, comme Flore ou Pomone.

    On remarquera que les trois grands flamines sont les prêtres des divinités que nous pourrions appeler politiques, de celles qui ont spécialement pour mission de protéger l'Etat romain : Jupiter, le dieu du Capitole, Mars, l'ancêtre divin de la Rome du Palatin, Quirinus, le dieu éponyme de la Rome sabine du Quirinal ; ce sont, pour ainsi dire, les trois dieux qui ont présidé à la formation historique de la Rome royale. La religion que desservent les grands flamines semble être une religion encore toute locale ou toute domestique, celle de dieux attachés à un canton limité de la cité romaine ou à un groupe déterminé du peuple romain.

    Peut-être pourrait-on aller plus loin encore, et supposer que chacun des trois grands flamines correspond à une des trois grandes tribus de la Rome ancienne, quel que soit d'ailleurs le rapport de ces tribus avec les trois collines ou les trois dieux dont nous venons de prononcer le nom. En tout cas, on s'explique aisément ce chiffre consacré de trois pour les grands flamines romains, si on conjecture que chacun d'eux était à l'origine le sacrificateur réservé d'une tribu.

    Les deux groupes de flamines différaient encore en ceci, que les majeurs étaient et demeurèrent toujours patriciens ; que les mineurs furent au contraire choisis parmi les plébéiens. Cette différence a-t-elle été constante ? Réduits comme nous le sommes au seul texte d'un grammairien, on ne peut rien dire à cet égard ni dans un sens ni dans l'autre. On notera l'analogie qui existe entre ces deux catégories de flaminats et les deux classes de magistratures, magistratus majores et minores. Ce qui élevait surtout les trois grands flamines au-dessus des autres, c'était la grandeur et le rôle public des dieux auxquels ils sacrifiaient.

    La tradition attribuait volontiers au roi Numa la création des flamines, des grands comme des petits. Voici ce que dit à ce sujet Tite-Live : «Numa, en sa qualité de roi, accomplissait un grand nombre de sacrifices, notamment ceux qui concernent aujourd'hui le flamen Dialis. Mais, pensant que les rois, ses successeurs, lui ressembleraient moins qu'à Romulus, et craignant que la guerre, en les éloignant de Rome, ne leur fît oublier les sacrifices inhérents à la royauté, il créa un flamine, prêtre permanent pour Jupiter, et il lui adjoignit deux autres flamines, l'un pour Mars et l'autre pour Quirinus». Peut-être Numa s'est-il borné à arrêter les fonctions et à définir les privilèges des flamines ; peut-être encore, sinon à attribuer chaque flamine à un dieu déterminé, du moins à lui donner son nom et son titre. S'il était permis de faire une hypothèse qu'aucun texte ne justifie, nous penserions volontiers ceci : Rome a eu trois flamines, chacun d'eux consacré aux dieux topiques ou génériques d'une des trois tribus, et étant plus encore le flamine d'une tribu que le flamine d'un dieu ; mais quand les tribus se mêlèrent et cessèrent d'être autre chose qu'un souvenir, les flammes furent assignés à des Dieux déterminés, ne se distinguèrent plus que par le nom et les symboles d'une divinité : il n'y eut plus de flamines des Ramnes ou des Luceres, mais des flamines du peuple romain, attachés aux trois grands dieux de l'Etat. Les trois flamines reçurent-ils leur rang dès le temps de Numa ? On a peine à le croire, car Jupiter n'était pas en ce temps-là le premier dieu de Rome. Peut-être les flamines ne prirent-ils leur place consacrée qu'au temps où Jupiter se mit à la tête des dieux, sous les Tarquins, et qu'une hiérarchie s'établit parmi les prêtres comme parmi les dieux. Les trois flamines des divinités domestiques des tribus romaines devinrent ainsi les prêtres hiérarchisés des trois grands dieux politiques du peuple tout entier. Mais tout cela n'est qu'hypothèse.

    Même après Numa, le roi conserva le devoir d'un certain nombre de sacrifices que lui seul pouvait accomplir. Il était, en dignité, le premier des sacrificateurs. A la chute de la royauté, on créa un Rex Sacrorum pour accomplir les sacrifices attachés à ce titre de rex ; et la royauté des sacrifices conserva toujours le pas sur le flaminat. D'ailleurs, le rex sacrorum est soumis aux mêmes obligations et a les mêmes privilèges que les flamines ; ce qui a fait dire, avec une certaine vraisemblance, que le rex sacrorum, est en réalité le premier des flamines, le flamine de Janus.

    On sait que, sous le gouvernement des consuls, l'administration des choses sacrées passa aux mains du souverain pontife. Mais, si grande que fût la puissance de ce dernier, alors même que les flamines étaient choisis par lui et placés sous sa dépendance, ils n'en demeurèrent pas moins, dans la hiérarchie religieuse, d'un rang supérieur à celui du grand pontife. «Le plus grand des prêtres, dit Festus, est le roi, puis vient le flamine de Jupiter, après lui, le flamine de Mars, en quatrième lieu le flamine de Quirinus, en cinquième lieu le souverain pontife». La hiérarchie sacerdotale se marquait notamment dans les repas religieux : «Nul, disaient les rituels, ne s'assied à une place au-dessus de celle du Flamen Dialis, si ce n'est le rex sacrorum».

    Représentants de la divinité, les trois flamines furent toujours regardés comme membres du Collège des Pontifes. Seulement les pontifes purent, à dater de l'an 300, être recrutés parmi les plébéiens : c'est qu'ils étaient non seulement prêtres, mais aussi administrateurs. Le flaminat dut à son rôle exclusivement religieux de demeurer fidèle à son caractère primitif : jusqu'à la fin de son existence, le flaminat majeur fut l'apanage des patriciens ; ce fut leur dernier refuge. Car c'était l'institution qui touchait le plus à la religion de la vieille cité patricienne, et le patriciat était avant tout une caste religieuse et sacerdotale.

    Comme tous les prêtres publics du peuple romain, les flamines avaient à leur disposition un certain nombre de serviteurs publics. Le flamen Dialis possédait un licteur, le lictor flaminius, qui l'assistait dans les sacrifices et il n'est pas improbable que les deux autres grands flamines eussent aussi le leur. Des hérauts spéciaux accompagnaient les trois flamines : on les appelait praeciamitatores ou praeciae. Ils avaient également à leur service un personnel de valets sacrés, calatores, qu'ils partageaient avec les pontifes.

    Malgré ces prérogatives, il ne faut pas oublier que, dans la Rome consulaire, tout au moins, les flamines étaient dans la dépendance absolue du souverain pontife, et des esprits malveillants pouvaient accuser les pontifes de persécuter ceux des flamines contre lesquels ils avaient un grief personnel. C'est le grand pontife sans doute qui les nomme tous. Oubliaient-ils leurs devoirs, c'était lui qui les leur rappelait sévèrement : plus d'un flamine qui voulut quitter Rome, fut retenu près de son dieu par la parole toute puissante du pontife. Il pouvait leur infliger des amendes. Le flamine avait-il une autorisation à demander, il la sollicitait auprès du pontife souverain. Et quand un conflit s'élevait entre le pontife et un flamine récalcitrant, le peuple, pris pour juge, rappelait au prêtre qu'il fallait obéir à la parole du pontife, ut dicto obediens esset flamen pontifici. Ainsi, les flamines étaient les premiers sujets de celui-là même qui se trouvait leur inférieur en rang et en titre. Ils étaient véritablement les prisonniers de l'Etat : garantie permanente du service divin et de l'accord de Rome avec ses dieux, ils étaient liés par une obéissance sans condition à celui qui était le juge du droit religieux.

  2. Le flamen Dialis

    Le premier dans la hiérarchie des flamines romains, le plus considéré comme aussi le plus tenu, était le flamine de Jupiter, flamen Dialis. Il l'emportait autant sur les autres flamines que Jupiter était au-dessus des autres dieux. C'était même plus que le premier des prêtres, c'était aussi le premier des hommes, summus pontificum, etiam summus hominum.

    • Mode de nomination. - Le Flamen Dialis était choisi, sur une liste de trois membres, par le souverain pontife. Le choix du flamine, de même que celui des Vestales, était regardé comme une «prise» : le pontife «prenait», capiebat, un patricien pour en faire un flamine. Il le prenait, comme le vainqueur fait prisonnier un ennemi.

      Une fois «pris», il devient la propriété de l'Etat, ou plutôt encore, du dieu de l'Etat : il cesse de faire partie de sa famille, il sort de la puissance paternelle. Toutefois, il en sort sans encourir de déchéance, sans capitis diminutio. Mais il faut en même temps que ce «prisonnier» soit consacré à la divinité. Cette consécration se fait dans les comices traditionnels de la Rome primitive, les comitia calata, et elle se fait de la même manière que celle d'un temple ou d'une statue : le flamine de Jupiter est «inauguré», c'est-à-dire que le souverain pontife demande à la divinité, par l'intermédiaire des augures, si elle agrée son nouveau prêtre.

      Il n'est pas douteux que la plupart du temps on ne s'assurât du consentement du futur flamine. Mais le pontife avait le droit de prendre qui il voulait. En 209, le pontife souverain P. Licinius choisit pour le flaminat de Jupiter un jeune patricien, C. Valérius Flaccus, et il le choisit malgré lui, afin, dit Tite-Live, de le soustraire à une vie de désordres où il déshonorait son nom et sa race. Dans cette prise de possession d'un homme, l'Etat agissait ainsi avec sa toute-puissance, mise au service de son dieu.

    • Prérogatives. - Une fois inauguré, le flamine de Jupiter devenait la chose de la divinité, et nous avons vu plus haut à quelles dures obligations sa vie était soumise. Mais, en revanche, un certain nombre de privilèges lui étaient accordés, qui en faisaient le premier des prêtres après le roi et l'égal des magistrats supérieurs. Il a un licteur ; il porte la prétexte ; il a le droit de s'asseoir sur la chaise curule ; il lui est accordé, comme aux magistrats, de traverser Rome en voiture à certains jours solennels. Surtout, il pouvait entrer au Sénat et y siéger, et ce droit, comme les insignes, semblait bien remonter à l'origine même du flaminat. Tite-Live donne de ces prérogatives une explication bien conforme aux coutumes religieuses des Romains. La plupart des fonctions du flamine de Jupiter, dit-il, incombaient primitivement à la royauté : en créant un prêtre particulier pour Jupiter, Numa n'aura point voulu qu'il fût trop inférieur en dignité au roi, qui avait jadis desservi son culte : Jupiter ne devait pas déchoir.

    • Fonctions. - Le flamen Dialis, étant le sacrificateur de Jupiter, apparaît d'abord et surtout aux fêtes de ce dieu. Les Ides de chaque mois appartenaient à Jupiter ; ce jour-là, le dieu reçoit le sacrifice d'un mouton.

      Idibus in magni castus Jovis aede sacerdos
      Seminaris flammis viscera libat ovis
      .

      Le sacrifice avait lieu au temple du Capitole, où le flamine, accompagné d'un cortège solennel, se rendait en suivant la Voie Sacrée. C'était le flamine, dit Ovide, qui présentait lui-même aux flammes de l'autel les entrailles de la victime. Les fêtes des vins, Vinalia, étaient également consacrées à Jupiter, qui nous apparaît, dans la Rome primitive, comme le dieu des vignes et des vendanges. C'était le flamine qui donnait le signal de la vendange, et qui en offrait les prémices à Jupiter en lui immolant une jeune brebis ; et c'était lui, j'imagine, qui faisait au dieu les libations du vin nouveau.

      Mais, à côté de ce service propre à Jupiter, le flamen Dialis paraît aussi avoir eu dans son ministère des devoirs envers d'autres dieux. En particulier il prend part aux fêtes d'expiation du mois de février. C'est de lui que les pontifes reçoivent alors la laine sacrée, ainsi que le sel et le froment brûlé qui vont servir à purifier les maisons. C'est encore lui qui préside à la fête des Lupercales.

      Flamen adhuc prisco more Dialis agit.

      Dans ces deux dernières cérémonies, le flamine de Jupiter se montre moins comme le prêtre d'un dieu que comme une sorte de ministre suprême des fonctions religieuses de l'Etat tout entier : il serait possible que ces attributions générales fussent celles que la royauté, au temps de Numa, céda elle-même aux flamines.

      Ce rôle important est plus visible encore dans la part que le flamine de Jupiter prenait au mariage religieux de la vieille Rome, à la confarreatio. C'était lui qui unissait les nouveaux époux, qui sans doute présidait au sacrifice et leur présentait le gâteau qu'ils allaient partager. Apparaissait-il dans ces cérémonies comme prêtre de Jupiter, le dieu qui fait mûrir les épis ? On peut en douter et croire plus volontiers qu'il intervenait dans le mariage comme le maître des sacrifices du peuple romain. Evidemment, si le flamine de Jupiter a pu ne pas être à l'origine le premier de tous, tout nous montre qu'il l'est devenu de bonne heure. Seul de tous, il avait, semble-t-il, à sacrifier chaque jour. Il est plus que sacerdos dei, plus que le sacrificateur d'un dieu ; on peut l'appeler, comme certaines inscriptions nomment les grands flamines municipaux, flamen maximus, flamen sacrorum populi Romani : c'est le flamine par excellence.

    • La flaminica Dialis. - La femme du flamine est associée à ses prérogatives, à ses obligations, à son ministère tout entier : elle prend le titre de flaminique, flaminica Dialis ou simplement flaminica.

      La plupart des prescriptions auxquelles est soumis le flamine de Jupiter pèsent également sur la vie de la flaminique. Mais en voici qui lui sont particulières. Elle ne montera pas plus de trois marches d'échelles, sans doute pour ne point se découvrir le pied : il lui est permis toutefois de monter les escaliers «à la grecque» ; car, dit un commentateur, enfermés entre quatre murs, ils sont construits de manière à ne permettre de voir aucune partie du corps. C'est pour le même motif que la flaminique devait toujours se montrer voilée et qu'elle ne pouvait s'attacher la robe au-dessus du genou. Il en était d'elle comme de la femme d'Orient : ses traits devaient être cachés à tous ; nul regard humain ne pouvait voir la moindre partie de son corps. C'était pour elle comme une condition de dignité sacerdotale et de pureté féminine. Les chaussures de la flaminique ne peuvent être faites que de la peau d'un animal tué ou immolé : car tout animal mort d'une mort naturelle est regardé comme souillé.

      Un principe domine évidemment toutes ces prescriptions : c'est le désir de garantir à la flaminique sa pureté religieuse. Aussi comprend-on sans peine qu'elle dût arriver vierge à son mari, et ne connaître que lui, flaminica nonnisi univira.

      Voici une prescription qui marque bien sa dépendance à l'égard des dieux. Entendait-elle le tonnerre, il lui fallait les apaiser, ou sa vie était frappée d'interdit.

      Son rôle religieux nous est mal connu. On doit supposer qu'elle assistait son mari auprès des autels de Jupiter. Plutarque la regarde comme «la prêtresse de Junon». Est-ce bien certain ? Lui-même ne l'affirme pas, et nous ne voyons jamais la flaminique intervenir dans le culte de Junon. En tout cas, cette application de la femme du flamine à celle de Jupiter ne peut être que de date récente, et du temps où se formaient, dans la théologie, les couples divins. La flaminique assistait à la procession des Argées, les cheveux en désordre, c'est-à-dire en attitude de deuil. Elle devait garder cet aspect au temps où les Saliens agitaient les boucliers de Mars. La première moitié de juin était pour elle, plus encore que pour toutes les femmes, un temps de deuil. Jusqu'aux ides du mois, fait dire Ovide à la flaminique, «il ne m'est permis ni de passer le peigne dans mes cheveux, ni de couper mes ongles, ni d'approcher de mon époux». Comme devoir plus précis, nous la voyons, aux jours des nondines, immoler un bélier à Jupiter, dans la maison royale et, au mois de février, réclamer l'offrande expiatoire. En tout cela encore, Junon n'apparaît pas : la flaminique est moins la prêtresse d'une divinité donnée, que l'assistante de son mari dans le ministère public. Un seul dieu est nommé parmi ceux qu'elle peut prier, et c'est Jupiter. Jupiter est pour le flamine et sa femme un dieu domestique, véritablement le dieu de leur foyer et de leur famille.

    • Le couple flaminal. - C'est qu'en effet le flamine et la flaminique représentent bien, dans leurs fonctions religieuses, le couple conjugal tel que le concevait le monde antique. La flaminique ne peut avoir d'autre dieu et d'autre culte que celui de son mari. Elle est la prêtresse des mêmes autels auxquels son époux sacrifie. De la même manière, dans le culte domestique, «la femme est tout entière dans la famille et dans la religion de son mari». C'est de ces deux prêtres qu'on doit surtout dire, avec Fustel de Coulanges : «L'union conjugale est autre chose qu'un rapport de sexes et une affection passagère, et elle a uni deux époux par le lien puissant du même culte et des mêmes croyances».

      Considérons maintenant dans leur vie commune le flamine et la flaminique, et nous verrons quelle importance mystérieuse les Romains attachaient à la vie familiale et à l'union conjugale chez leurs grands prêtres.

      On a vu comment ils se mariaient. Pour eux, on maintint toujours le vieux rite sacré de la confarreatio. On n'oubliait même, lors de la cérémonie, aucun des menus détails conservés par la tradition. Lors du mariage de ceux qui allaient être flamine et flaminique, on les faisait asseoir sur deux sièges recouverts et réunis par la peau d'une brebis sacrifiée. Or, c'était là un vieil usage des noces religieuses.

      Dans leur vie matérielle, les deux époux doivent se conformer aux anciennes habitudes de la famille. La flaminique demeurera voilée hors de chez elle. La laine seule entrera dans les vêtements de son époux et dans les siens : la laine n'était-elle pas, dans l'antiquité primitive, le tissu ordinaire et pour ainsi dire familial ? Et cette laine, la flaminique devra la tisser elle-même, comme le faisait toute bonne matrone des temps d'autrefois. Leur costume à tous deux est exactement calqué sur les types primitifs. Quand Virgile, en décrivant les noces et la vie commune de Didon et d'Enée, a voulu reconstituer les cérémonies de ces époques ignorées, il a fidèlement reproduit l'institution et les coutumes du flaminat.

      L'union du flamine et de la flaminique n'est pas moins conforme à la morale primitive de la famille. C'est une loi perpétuelle qui les unit l'un à l'autre, et ils sont unis dans une éternelle sainteté : sancta, disait-on de la flaminique, castus, disait-on du flamine. La famille qu'ils forment doit être pure et pieuse, c'est-à-dire que leur union est indissoluble : le divorce leur est interdit ; la mort de l'un fait perdre à l'autre son caractère sacré. Le flamine n'aimera que sa femme, la flaminique n'aimera que son époux ; le lit nuptial ne recevra que leurs corps. Nul, que son mari, ne verra la flaminique. Elle sera, suivant l'éloge archaïque que les épitaphes donnent à la matrone, casta, pudica, lanifica, univira, unicuba. Mais cet idéal de pureté et de piété conjugale, qu'est-ce autre chose que le type primitif de la famille elle-même, telle que se la figuraient les Romains du premier âge, tel qu'il était imposé par la religion du foyer ? «Cette religion impérieuse disait à la femme et à l'homme qu'ils sont unis pour toujours, et que de cette union découlent des devoirs rigoureux dont l'oubli entraînerait les conséquences les plus graves dans cette vie et dans l'autre. De là est venu le caractère sérieux et sacré de l'union conjugale chez les anciens et la pureté que la famille a conservée longtemps».

      Cette pureté, ce caractère de piété religieuse, la famille les perdit quand la religion du foyer et des dieux domestiques perdit son influence. Mais seule, la famille flaminale demeura fidèle à la tradition sacrée, parce qu'elle était indissolublement liée au culte d'un dieu. Elle devint ainsi, dans la Rome classique, l'image exacte du couple conjugal des anciens temps, avec son éternelle communauté de vie matérielle et de pratiques religieuses. La religion, en s'emparant de la famille du flamine, l'obligea de garder jusqu'à la fin son premier caractère.

    • Perpétuité du flaminat. - Le service de Jupiter étant conçu sur le modèle du service des dieux domestiques et attribué à une famille pure et complète, on ne peut, en aucune manière, assimiler le flamine à un fonctionnaire religieux, nommé pour un temps et révocable à volonté. Une loi perpétuelle doit l'unir à son dieu, comme une loi perpétuelle unit à ses Lares le père de famille. En sortant de la puissance paternelle, le flamine abandonne le culte de ses pères pour créer un nouveau foyer auquel préside Jupiter : il doit demeurer attaché toute sa vie à ce foyer. Mais il en résulte aussi que le jour où la mort souille ce foyer et rompt la famille, elle cesse d'appartenir à Jupiter. Si sa femme vient à mourir, le flamine doit quitter de lui-même son sacerdoce, decedit.

      Il est un autre cas où le flamine doit renoncer à son ministère : c'est s'il s'est rendu coupable de quelque négligence dans l'exercice de ses fonctions. Et les anciens citent, comme fautes de ce genre, s'il a apporté peu de soin à l'offrande des entrailles de la victime, pendant un sacrifice, il a laissé tomber sa coiffure, insigne principal de sa fonction. Dans ce cas, il était solennellement dépossédé. Il avait cessé de plaire à Jupiter.
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